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jeudi 8 septembre 2022
Edito : l’industrie du tabac doit être exclue du Label Investissement Socialement Responsable

Edito : l’industrie du tabac doit être exclue du Label Investissement Socialement Responsable

Le Label Investissement Socialement Responsable (ISR), créé en 2016 par le Ministère de l’Economie et des Finances, vise à permettre aux épargnants comme aux investisseurs professionnels d’orienter leur investissement vers une finance dite « durable ». Actuellement en cours de révision dans ses modalités d’attribution, le Label ISR ne prévoit toutefois pas, à ce stade, d’exclusion sectorielle pour l’industrie du tabac, malgré l’ampleur des dégâts humains, environnementaux et économiques que celle-ci engendre. La non-exclusion de cette industrie porterait une atteinte considérable à la crédibilité du label, et constituerait un blanc-seing pour les fabricants, dans leur stratégie de renormalisation du tabagisme.

En décembre 2020, un rapport de l’Inspection générale des finances recommandait au label ISR d’ « ajouter aux critères du label un socle minimal d’exclusion recouvrant les violations du Pacte Mondial » de l’ONU. Parmi les secteurs devant faire l’objet d’une « exclusion stricte », l’Inspection générale des finances évoque notamment celui des armes non-conventionnelles, ainsi que les acteurs liés à la production et à la vente de tabac.

Pour cause, le secteur tabac, à l’origine d’une épidémie industrielle responsable de la mort de huit millions de morts annuels dans le monde, dont 75 000 en France, s’oppose par son activité à au moins 12 des 17 Objectifs de Développement Durable définis par l’ONU.

L’industrie du tabac est l’une des industries les plus polluantes au monde, en participant activement à la déforestation mondiale, à l’épuisement hydrique dans des régions du monde, au déséquilibre de la biodiversité dans les régions productrices de tabac, ainsi qu’à la pollution durable des cours d’eau, des mers et des océans par la production de milliards de mégots par an.

En France comme ailleurs, le coût du tabagisme est démultiplié auprès des catégories populaires, caractérisées par un plus haut niveau de prévalence tabagique, conduisant à une surmortalité. Le tabagisme se traduit également par un cercle vicieux de pauvreté, car il conduit à une affectation d’une part importante des revenus de certaines catégories de population pour l’acquisition de ces produits hautement addictifs, au détriment d’autres biens et services, comme l’éducation, l’alimentation, la culture, etc.

Enfin, l’industrie du tabac mène une politique permanente d’opposition à la mise en place de politiques de santé publique, quand l’efficacité de celles-ci est démontrée. Cette stratégie de sape dépasse régulièrement le cadre d’actions de lobbying, dans la mesure où l’industrie du tabac engage des actions en justice contre les mesures efficaces et est régulièrement condamnée par la justice, y compris en France, pour ses violations répétées et concertées de violations des législations existantes.

Par son activité même, l’industrie du tabac est aux antipodes des objectifs poursuivis par le Label ISR : promouvoir un autre modèle de développement économique, respectueux des impératifs humains, environnementaux, sociaux, et de gouvernance. Au-delà d’un risque de normalisation de l’industrie du tabac et des produits dont elle encourage la promotion, l’association de ce secteur au Label ISR constitue une menace de premier ordre pour la crédibilité de ce dernier.

Cette nécessité d’une exclusion sectorielle appliquée à l’industrie du tabac est soutenue par de plus en plus d’acteurs du monde économique, politique et institutionnel, qui estiment à juste titre qu’il existe un conflit fondamental et inconciliable entre les intérêts de cette industrie, et ceux de la santé publique, de l’environnement et des droits humains. Cette position a été résumée en 2017 par l’Institut danois des droits de l’homme : « le tabac est profondément nuisible à la santé humaine, et il ne fait aucun doute que la production et la commercialisation du tabac sont inconciliables avec le droit de chaque être humain à la santé. Selon les principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux Droits de l’Homme, l’industrie du tabac se doit de cesser toute production et commercialisation du tabac ». En entérinant définitivement le principe d’une exclusion sectorielle pour l’industrie du tabac, la France reprendrait sa place de fer de lance mondial en matière de lutte contre le tabagisme et de finance éthique.

Télécharger la réponse du CNCT à la consultation – Orientation pour l’évolution du label ISR

Professeur Yves Martinet

Président du Comité national contre le tabagisme

Mots-clés : Label ISR, Investissement socialement responsable, industrie tabac,

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