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mardi 16 novembre 2021
Lutte contre l’ingérence de l’industrie du tabac : la France cède sa place du podium mondial

Lutte contre l’ingérence de l’industrie du tabac : la France cède sa place du podium mondial

Depuis deux ans, la crise de la COVID-19 a profondément bouleversé la vie économique, sociale et politique de la France comme du monde entier. La pandémie, plongeant les pouvoirs publics dans une forme de vulnérabilité, a été identifiée par les cigarettiers comme une opportunité pour faire avancer leurs intérêts, et faire reculer la santé publique. Selon l’Organisation mondiale de la santé, l’influence politique de l’industrie du tabac demeure l’obstacle principal à la mise en place de politiques sanitaires efficaces.

Si l’interférence de l’industrie du tabac recouvre des réalités diverses, particulières aux contextes nationaux, l’industrie du tabac engage à l’échelle mondiale une stratégie coordonnée, visant tout à la fois à rétablir son image publique auprès des décideurs et des consommateurs, à reprendre à son compte la notion de « réduction des risques » dans l’optique de promouvoir les nouveaux produits du tabac, et à faire pression sur la décision publique pour obtenir un cadre réglementaire favorable à ses intérêts économiques.

Evaluée pour la troisième année consécutive par l’Indice général de l’interférence de l’industrie du tabac, la France connaît une légère dégradation de sa situation. Alors qu’elle était placée à la deuxième place mondiale pour l’édition précédente, la France occupe désormais la quatrième position du classement. Avec un score total de 33 points, la France enregistre par ailleurs un recul de 6 points en un an, et cède la dernière marche du podium mondial au Royaume-Uni.

Si la dégradation de la situation en matière de lutte contre l’ingérence de l’industrie du tabac est manifeste, elle n’est toutefois pas propre à la France, qui demeure relativement épargnée en comparaison à d’autres pays, comme le Brésil ou l’Allemagne.

Ce léger recul doit cependant être pris au sérieux : il est la démonstration que la lutte pour l’indépendance des politiques publiques n’est jamais une cause acquise, et que les décideurs publics, en lien avec la société civile, doivent demeurer plus que jamais vigilants face aux pratiques d’interférence de l’industrie du tabac.

L’indépendance de l’élaboration des politiques publiques doit être garantie, à plus forte raison lorsqu’il s’agit de santé publique. Leur nécessaire protection de l’influence de l’industrie du tabac fait d’ailleurs partie des obligations de la France, ayant ratifié la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT), qui compte à ce jour plus de 180 Parties à travers le monde.

Face à ce constat, un certain nombre de mesures peuvent être mises en place ou renforcées pour garantir le respect des engagements internationaux de la France. En particulier, il est indispensable d’intensifier les efforts de sensibilisation auprès des décideurs publics sur les stratégies de l’industrie du tabac en matière de responsabilité sociale, et sur la question de l’instrumentalisation de la notion de réduction des risques par les cigarettiers. Il est par ailleurs indispensable de renforcer la transparence sur les actions de lobbying entreprises par l’industrie et ses alliés, à l’instar de la Confédération nationale des buralistes. En ce sens, conformément à l’article 5.3 de la CCLAT, les interactions entre les pouvoirs publics et l’industrie du tabac doivent être plus rigoureusement contrôlées, et limitées au strict nécessaire.

Pour être efficacement combattu, le tabagisme doit être compris comme une épidémie industrielle. Plus que jamais, le tabagisme, par le coût humain, économique et environnemental qu’il implique, demeure d’une brûlante actualité, et entre en résonnance avec les enjeux sociaux, économiques et environnementaux de notre époque. La lutte contre l’interférence de l’industrie du tabac est un excellent indicateur de la réelle volonté des pouvoirs publics de mettre fin aux pratiques d’un secteur responsable de huit millions de morts à travers le monde, et de plus de 75 000 en France.

Pr. Yves Martinet

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