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Nier les dangers de la consommation de tabac

Nier les dangers de la consommation de tabac

« Le tabac tue ». Aujourd’hui, tout le monde le sait, direz-vous ?

Oui, mais cette prise de conscience collective s’est construite au prix d’un long duel inégal – et toujours d’actualité – entre les défenseurs de la santé publique et les vastes campagnes successives de désinformation financées à coups de millions de dollars par l’industrie du tabac.

Nier la nocivité du tabac, une stratégie de défense concertée

Dans les années 40 et surtout au début des années 50, alors que commençaient à paraître les premières études scientifiques mettant en lumière les méfaits du tabac sur la santé, l’industrie du tabac a vu ses ventes chuter de façon vertigineuse.

Dans ce contexte, et bien que concurrentes, les principales firmes de tabac se sont réunies, le 15 décembre 1953, pour échafauder ensemble le plan de défense commun de leur marché.

Conseillés par le cabinet de relations publiques Hill & Knowlton, les cigarettiers ont à cette occasion opté pour une stratégie de négation pure et simple des dangers de la consommation de tabac. A travers de grandes campagnes de communication (ex : campagne « Frank statement to cigarette smokers » en 1954), ils ont assuré à l’opinion publique que si leur produit était dangereux, ils le sauraient et que bien entendu, ils le retireraient immédiatement du marché.

mensonges

Pourtant, dès les années 50, les fabricants de tabac savaient de façon certaine à travers leurs propres recherches internes que la cigarette est cancérigène [1].

Entretenir la controverse à travers la fraude scientifique

Pire encore, les documents internes de l’industrie du tabac révèlent comment elle a essayé de détruire les résultats de ces études, en adoptant une politique systématique de destruction de preuves. Ceci, que ce soit en expédiant les documents concernés vers des bureaux de la compagnie situés à l’étranger et qui ne risquaient pas d’être saisis dans le cadre de procédures intentées aux Etats-Unis, ou encore en fermant les laboratoires des compagnies qui travaillaient sur ce type de recherches.

On découvre aussi comment les compagnies de tabac, via leurs avocats et des institutions de façade telles que le Tobacco Institute, ont caché qu’elles finançaient des experts scientifiques, des journalistes (qui souvent ne révélaient pas leurs liens avec l’industrie du tabac) pour publier et témoigner devant des comités gouvernementaux afin de nier que le tabagisme soit une cause de maladies pour les fumeurs ou que la fumée de tabac constitue un danger pour les non-fumeurs.

Il s’agit là d’une stratégie que l’industrie désigne sous l’expression « entretenir la controverse ». Elle s’appuie sur la constitution d’un réseau de scientifiques qui produisent des études tronquées et biaisées abondant dans le sens de thèses favorables à ses intérêts. C’est ainsi que le professeur suédois Ragnar Rylander a été condamné à la suite d’un long procès par la plus haute instance en Suisse pour « avoir participé à une fraude scientifique sans précédent ». Ce dernier ayant manipulé ses recherches pour produire des résultats niant la nocivité de la fumée passive.

Si face à l’avancée des connaissances scientifiques et des législations de lutte contre le tabagisme, l’industrie ose de moins en moins nier les dangers du tabac, elle sait encore utiliser la publicité pour en minimiser la perception par les consommateurs.

En vendant des produits au goût de friandise aux enfants et aux adolescents et en proposant des cigarettes bio ou « 0 % » à des consommateurs en recherche de produits authentiques, elle continue à détourner l’attention du caractère invariant de son produit : avec ou sans additif, sucré ou non, le tabac continue de tuer.

Crédits photo : © paxi


[1] « L’étude des données cliniques tend à confirmer la relation entre un tabagisme important et prolongé et la fréquence du cancer du poumon », Secondary source digest, B&W 1953 (Minn. Trial Exhibit 13,433)

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