Tous les dossiers

Accueil > Loi Evin : Le Bilan de 20 années
lundi 10 janvier 2011
Loi Evin : Le Bilan de 20 années

Loi Evin : Le Bilan de 20 années

3. Le rôle du CNCT dans l’application de la loi Evin

Le CNCT a joué et continue de jouer un rôle majeur dans la défense, l’application et la mise en œuvre de la loi.

  •  Défendre la loi Evin

Le rôle du CNCT a été de défendre la loi Evin à plusieurs reprises pendant la décennie 90 contre des remises en cause, des éventuels assouplissements de la loi etc. Encore aujourd’hui, cette législation continue à faire l’objet d’attaques incessantes de la part des cigarettiers, relayées aujourd’hui par certains responsables politiques.

Le CNCT a notamment lancé de nombreuses pétitions, interrogé les Français à travers des enquêtes d’opinions démontrant l’attachement de la population à cette loi et mobiliser ainsi l’opinion et les représentants de la loi afin de préserver l’intérêt général.


  •  Veiller au respect de l’application de la loi

Le CNCT conçoit les actions en justice comme des mesures de prévention judiciaire.

Afin d’éviter que cette loi ne soit pas correctement appliquée, comme le fut la loi Veil, les autorités de santé décidèrent de confier son application à des associations, en l’occurrence le CNCT, à une époque où l’entreprise de tabac la SEITA n’avait pas été privatisée.

Plus particulièrement, l’action judiciaire du CNCT se fonde également sur :

- l’absence d’autorité spécifique désignée pour veiller au respect de l’application de la loi,

- le fait que le Ministère de la Santé, par l’intermédiaire de la Direction Générale de la Santé, a donné mission au CNCT depuis 1991 d’assurer une tâche de vigilance judiciaire afin de veiller au respect des dispositions légales,

- l’absence de poursuites par le Ministère Public (Ministère de la justice).

« Curieusement, jamais depuis 1976 (…), les parquets ne semblent avoir manifesté la moindre ardeur à poursuivre ceux qui enfreignent la législation antitabac. Il n’y a pas d’actions à l’initiative du parquet. Les magistrats du siège sont saisis, les tribunaux jugent. Mais ils jugent – et je me plais à le souligner – grâce à l’activisme heureux, efficace et constant du Comité national contre le tabagisme qui, lui, pourvoit à la carence du ministère public », Robert Badinter, ancien Président du Conseil Constitutionnel, à l’occasion de la Conférence mondiale sur le tabac et la santé (Paris, 1994)

 

Les objectifs poursuivis par le CNCT au travers d’une application de la loi Evin sont :

- Faire que la loi soit respectée et obtenir des décisions exemplaires ayant valeur pédagogique,
- Elargir la jurisprudence,
- Prévenir l’entrée dans le tabagisme des jeunes,
- Protéger les personnes à l’égard du tabagisme passif,
- Inciter et aider les fumeurs à arrêter de fumer,
- Exposer publiquement, en médiatisant, le caractère délictueux et récidiviste des pratiques de l’industrie du tabac,
- Montrer que l’industrie du tabac doit être extrêmement contrôlée et réglementée dans son activité.

 

  • Mise en Å“uvre de la loi

« Je suis devenu le conseil du CNCT en 1991 au lendemain de la loi Evin, ce qui m'a permis d'être en première ligne du combat judiciaire contre l'industrie du tabac qui la viole en permanence. », Francis Caballero, Avocat à la Cour, Professeur agrégé de droit, Avocat du CNCT                                                     

Les résultats obtenus au travers de la prévention judiciaire engagée par l’association ont été majeurs. C’est notamment le cas dans le domaine de l’interdiction de publicité. Pour en apprécier la dimension, on peut soit comparer la situation française actuelle avec celle qui dominait avant l’entrée en vigueur de la loi Evin, ou bien encore la comparer avec des pays où la publicité tabac reste omniprésente. L’évolution comparée du principe d’interdiction de la publicité en faveur du tabac comparé à celle de l’alcool constitue enfin une illustration des résultats acquis.

 

- Instauration d’une jurisprudence complète et stricte en matière d’interdiction de publicité et d’information en direction des consommateurs.

Le CNCT a agi pour que les dispositions de la loi soient appliquées mais également afin d’empêcher les pratiques de contournement élaborées par l’industrie du tabac.

Dans cette perspective, les 20 dernières années ont connu une succession de « batailles juridiques » destinées à faire respecter l’esprit de la loi.  On a vu ainsi se succéder, depuis 1991 des procédures juridiques : 

  • Contre la publicité directe, 
  • Contre la publicité indirecte ou comment communiquer pour l’industrie via un service ou un produit alibi (ex : vente de chaussures Camel Boots, ou de montres Camel Trophy - arrêt Camel Trophy 10/04/1997),
  • Contre le sponsoring des sports mécaniques, (cf. Arrêt de la Cour de Cassation France Télévisions 14/05/2008)
  • Contre le mécénat (cf. arrêt Prix scientifique Philip Morris 29/08/2000),
  • Pour la clarté des avertissements sanitaires ou comment l’industrie a tenté de dénaturer un message sanitaire par adjonction de texte et recours à des graphismes illisibles (cf. arrêt de la Cour de Cassation 15/02/2000),
  • Contre les promotions illicites notamment sur les lieux de vente : stands, hôtesses, jeux, loteries, cadeaux, primes, vignettes, catalogues, photos de marques, informations commerciales… (succession de décisions de principe),
  • Contre les paquets « fun » : les paquets deviennent les premiers supports publicitaires (cf. arrêt de la Cour de Cassation du 3/05/2006).

 

« Je tiens (…)  à rendre hommage à Claude Evin, un homme politique courageux et honnête qui a réussi  à faire adopter un texte difficile à l'unanimité. La loi  Evin est donc un texte remarquable aussi bien au niveau national qu'international. Elle a notamment permis au CNCT de faire interdire en référé la vente de produits du tabac irréguliers, sans doute une première mondiale. Elle est cependant perfectible comme toutes les lois.» Francis Cabellero, Avocat à la Cour, Professeur agrégé de droit, Avocat du CNCT


Pour d’autres dimensions de la loi Evin, les décisions de justice obtenues par le CNCT ont permis de mieux protéger les personnes à l’égard du tabagisme passif et ont également conduit les pouvoirs publics à réviser la réglementation avec l’adoption du décret Bertrand en 2006 prévoyant une disposition d’application beaucoup plus claire d’interdiction de fumer dans l’ensemble des lieux de travail et d’accueil du public.

Des procédures emblématiques :

  • 1995 : Affaire SNCF Gare de Lyon : reconnaissance de la responsabilité de la SNCF et du préjudice pour les usagers
  • 1996 : Affaire Ozeir c/ La Banque d’Orient : reconnaissance des conséquences mortelles du tabagisme passif, et de la responsabilité de l'employeur.
  • 2004 : Affaire Villeret c/ SARL Le Damier : droit de retrait du salarié s’il se trouve exposé au tabagisme passif sur son lieu de travail.
  • 2010 : Affaire Migette c/ SARL Abbaye de St Ermire, Lounge bar : Cour de Cassation reprenant la jurisprudence de l’Affaire Lefebvre c/ ACME de juin 2005: obligation de résultat de l’employeur quant à la protection des salariés à l’égard du tabagisme passif.

 

La mise en place d’outils de surveillance

Le CNCT, en étroite collaboration avec le Ministère de la Santé et de nombreux acteurs nationaux du contrôle du tabac, mène régulièrement des observatoires, pour évaluer le respect de l’application de la Loi.


Ces études font état, encore aujourd’hui, de nombreuses infractions et contournements.
De tels outils permettent aussi de réunir des preuves à l’attention des juges. Ils contribuent en effet à montrer l’ampleur des violations en montrant que ces violations relèvent de stratégies d’ensemble et ce faisant participent à l’obtention de condamnations exemplaires.

 

A titre d’illustration, ces observatoires portent sur les axes suivants :

- Retransmissions sportives et émissions relatives aux courses de sports mécaniques  (2006) ;
- Présence du tabac sur Internet et les réseaux sociaux (2008) ;
- Présence de visuels de marques et de scènes tabagiques à la télévision et dans les jeux vidéo (2008) ;
- Présence du tabac dans les œuvres cinématographiques (2007) ;
- Observatoire des publicités et promotions sur lieux de vente (2008, 2010).


Les diverses procédures et observatoires ont permis d’aboutir à :

- La quasi-disparition du phénomène publicitaire « classique » ;
- Une meilleure connaissance des pratiques de l’industrie du tabac ;
- L’obtention de financements pour des actions de prévention du tabagisme ;
- Une meilleure couverture du sujet par les médias, notamment la presse écrite, dorénavant indépendante des recettes publicitaires provenant du tabac ;
- Une certaine « dénormalisation » de la consommation de tabac.

A lire également: