La nicotine est-elle un poison ?
VRAI. Un poison est une « Substance qui, introduite dans l’organisme par ingestion, respiration, absorption cutanée ou injection, altère ou même détruit les fonctions vitales. »[1]
Or, la nicotine est classée dans le règlement CLP européen[2] comme « toxique en cas d’ingestion » (Acute tox. 3 : H301), « mortelle par contact cutanée » (Acute tox. 1 : H310) et « toxique pour les organismes aquatiques, entraîne des effets néfastes à long terme » (Aquatic Chronic 2 : H411)[3]. La nicotine médicale est, quant à elle, classée par le Code de la santé publique dans la Liste I des substances vénéneuses destinées à la médecine humaine[4]. La nicotine est ainsi une substance vénéneuse et toxique, c’est donc bien un poison.
La question de la dose létale (DL50) de la nicotine n’est toutefois pas tranchée. Chez l’animal, la dose létale de la nicotine varie sensiblement selon l’espèce étudiée (souris, rat ou chien). Chez l’humain, cette dose létale varie aussi de façon importante, selon la voie d’administration, la sensibilité à la nicotine, le fait d’être fumeur ou non-fumeur, la vitesse d’absorption et la vitesse d’élimination. La dose létale par ingestion chez l’humain est ainsi estimée se situer entre 0,5 g et 1 g, soit 7 à 14 mg/kg[5]. Chez l’enfant, les premiers signes d’intoxication par ingestion apparaîtraient dès 0,2 mg/kg.
Autour de l’usage des cigarettes électroniques, s’est développé un discours inspiré de la réduction des risques selon lequel la nicotine serait en elle-même sans danger, puisqu’elle n’est pas à la source des cancers et d’un grand nombre de pathologies mortelles liées au tabagisme. Si la nicotine n’est pas directement à l’origine de ces pathologies, la dépendance qu’elle entraîne expose en revanche les fumeurs à nombreuses complications sanitaires. La nicotine a cependant des conséquences sur le plan cardiovasculaire, en ce qu’elle provoque une vasoconstriction, ce qui entraîne une diminution des flux artériel, coronarien et cérébral. L’usage de nicotine aurait par ailleurs un effet délétère sur la santé mentale en aggravant les symptômes de la dépression et de l’anxiété[6]. Enfin, de plus en plus de publications sont en faveur d’un retentissement de l’administration de nicotine chez les jeunes sur leur développement cérébral et de leurs capacités psycho-comportementales.
Un autre argument, fréquemment avancé par les revendeurs de e-liquides, fait valoir que la nicotine est un insecticide naturel que l’on retrouve dans plusieurs plantes comestibles appartenant à la famille des solanacées (tomates, aubergines, poivrons, pommes de terre). Les très faibles concentrations de nicotine présentes dans ces plantes permettent toutefois d’éviter les effets néfastes sur la santé humaine. Tout naturel qu’il soit, la sécrétion d’un insecticide n’en reste pas moins une défense de la plante contre les insectes à l’aide d’une substance toxique. Longtemps utilisée comme ingrédient dans la préparation d’insecticides chimiques, la nicotine est interdite pour cet usage depuis 2008 dans l’Union européenne, et les néonicotinoïdes sont interdits en France depuis 2018.
Contrairement à une idée reçue, apparemment répandue dans le grand public, la nicotine n’est pas responsable des cancers provoqués par le tabagisme. Elle entraîne en revanche une très forte dépendance, à un niveau considéré comme similaire, voire supérieur, à celui de l’héroïne et de la cocaïne, ce qui explique les difficultés parfois extrêmes des fumeurs et des vapoteurs à cesser leur consommation[7].
[1] Dictionnaire de l’Académie Française, 9ème édition.
[2] Classification, étiquetage et emballage des substances chimiques et des mélanges.
[3] Règlement CLP, Annexe VI, INERIS.
[4] Arrêté du 22 février 1990 portant exonération à la réglementation des substances vénéneuses destinées à la médecine humaine, Légifrance, mis à jour le 22 juillet 2021, consulté le 28 décembre 2022.
[5] ANSES, Évaluation des dangers de la nicotine, Avis de l’Anses
Rapport d’expertise collective, édition scientifique, janvier 2015, 43 p.
[6] Truth Initiative, 3 ways vaping affects mental health, publié le 10 septembre 2021, consulté le 28 décembre 2022.
[7] Volkow N, Recent Research Sheds New Light on Why Nicotine is So Addictive, NIDA/NIH, publié le 28 septembre 2018, consulté le 28 décembre 2022.