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Un rapport d’information pour « institutionnaliser » les positions des fabricants

Un rapport d’information pour « institutionnaliser » les positions des fabricants

Les députés français Jean-Marie Binetruy, Jean-Louis Dumont et Thierry Lazaro ont déposé, le 5 octobre 2011, leur rapport d’information sur les « conséquences fiscales des ventes illicites de tabac », qu’ils ont produit pour le compte de la Commission des finances du Parlement français.

L’industrie du tabac et les buralistes ont été largement consultés

Les parlementaires ont auditionné pas moins de dix représentants des fabricants de cigarettes (trois de BAT, deux d’Imperial Tobacco, deux de JTI, deux de Philip Morris, un de Republic technologies – fabricant de papier à rouler) ainsi que six représentants des buralistes. Par contre, les représentants de la santé publique n’ont pas eu réellement voix au chapitre : en tout et pour tout, un représentant du ministère de la santé et deux représentants de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT) ont été auditionnés. La mission parlementaire n’a pas daigné entendre ne serait-ce qu’un seul représentant des associations impliquées dans la santé publique et la prévention du tabagisme en France ou au niveau international alors même que ces structures sont directement impliqués dans la négociation sur le protocole de lutte contre le commerce illicite des produits du tabac.
En outre, la contribution même du représentant du Ministère de la santé a été pour le moins édulcorée.

Les conclusions du rapport sont pour l’essentiel alignées sur les positions des industriels du tabac.

Les députés recommandent notamment de « refuser le paquet générique » (recommandation n°8) et se prononcent contre la vente de tabac sous le comptoir, correspondant en fait à la suppression de l’étal des produits, car ces mesures « paraissent de nature à favoriser le trafic illicite », sans autre forme d’explication, tout en déclarant qu’elles « ne semblent pas rencontrer l’assentiment des organismes de lutte contre le tabagisme ». 

Se disant motivé par un objectif de santé publique, le rapport propose de lancer une vaste campagne nationale d’information sur les dangers de la contrefaçon (recommandation n°6). En prise directe avec les arguments de l’industrie du tabac, la mission parlementaire se dit préoccupée « des conséquences désastreuses pour la santé publique du développement de la contrefaçon ». Il est précisé que la campagne préconisée « devra être conduite par le Gouvernement, mais également par les fabricants », offrant ainsi une tribune publicitaire à l’industrie.
Tout en constatant qu’ »un cahier des charges est en cours d’élaboration par les services de la DGDDI [Direction générale des douanes et des Droits Indirects] qui imposera aux fabricants le principe d’une solution technique permettant l’identification de l’origine et l’authentification des produits », le rapport exprime le souhait que « cette solution soit adoptée rapidement car les solutions techniques existent aujourd’hui ». Il s’agit probablement de prendre de vitesse les décisions qui pourraient émaner du Protocole sur le commerce illicite du tabac – protocole qui n’est mentionné nulle part dans le rapport alors même que le représentant du Ministère de la Santé auditionné avait été membre de la délégation française lors d’une des négociations.

Concernant la recommandation n° 2, « Réaliser les prochaines hausses de prix dans le cadre du Plan cancer 2009-2013, afin d’éviter des hausses de prix unilatérales et irrégulières« , la mission souhaite ainsi que les hausses, dont deux annoncées le 24 août par le Premier ministre, de 6 % à compter d’octobre 2011 puis de 6 % à nouveau en 2012, restent dans le cadre du Plan cancer 2009-2013.

A lire : Pourquoi une hausse de 6% du prix des cigarettes ne réduit pas la consommation globale de tabac ?

Le rapport de la mission parlementaire Lazaro-Binetruy-Dumont et ses recommandations unilatérales illustrent parfaitement les effets néfastes de l’emprise des fabricants sur des élus politiques. En invitant massivement les industriels du tabac à s’exprimer, et en excluant les organisations de santé publique et de prévention du tabagisme, la mission parlementaire s’est exposée à la désinformation et a d’emblée pris le parti d’un rapport partial, qui favorise les intérêts commerciaux particuliers des fabricants et des vendeurs de tabac, au détriment de la santé publique, c’est-à-dire de l’intérêt général.

Ce rapport constitue ainsi un outil très offensif pour imposer le point de vue de l’industrie du tabac auprès des décideurs politiques en faisant directement endosser les positions des cigarettiers par des responsables politiques.

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