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Saper les faits scientifiques et miner les politiques de santé : une constante dans les pratiques des industriels du tabac

Saper les faits scientifiques et miner les politiques de santé : une constante dans les pratiques des industriels du tabac

L’industrie du tabac a longtemps nié les connaissances scientifiques établies et vulgarisé les mensonges, allant délibérément à brouiller les liens entre le tabagisme et le cancer du poumon il y a plusieurs décennies. Aux États-Unis, ils ont utilisé efficacement un petit nombre de scientifiques pour semer le doute sur les dangers du tabagisme chez les décideurs et le public. L’industrie a favorisé la méfiance générale à l’égard de la science – un phénomène qui paralyse le progrès mondial.

Les compagnies de tabac connaissent depuis longtemps les risques pour la santé liés à la fumée secondaire. Entre 1981 et 1989, Philip Morris a mené au moins 115 études  différentes d’inhalation sur la fumée secondaire chez INBIFO[1], dans lesquelles était comparée la toxicité de la fumée principale (la fumée que le fumeur inhale) à celle de la fumée secondaire. Philip Morris a découvert que la fumée secondaire est deux à six fois plus toxique et cancérogène par gramme que la fumée ordinaire. La société n’a jamais publié les résultats de ces études internes ni alerté les autorités de la santé publique de leurs conclusions et ont gardé cette information secrète.

Mais Philip Morris a fait bien pire que cacher cette information cruciale au public. Encouragé par une évaluation des risques réalisée par l’EPA[2] en 1993, qui avait déclaré que la fumée secondaire était un cancérigène connu de l’homme et reconnaissant le danger que posait le problème de la fumée secondaire pour l’industrie de la cigarette, Philip Morris a déployé une stratégie mondiale avec les autres fabricants de tabac visant à tromper le public sur les risques pour la santé de la fumée secondaire et retarder l’adoption de lois interdisant de fumer dans les lieux publics intérieurs.

Il existe un conflit  inconciliable entre les intérêts des industriels du tabac et l’intérêt général, en particulier la santé des personnes. Ce constat amène à ne pas associer l’industrie aux mesures de protection. Mais dans son zèle pour promouvoir le tabagisme, l’industrie du tabac perpétue régulièrement une ingérence contraire à l’éthique, et souvent illégale, dans les politiques de contrôle du tabac qui sauvent des vies. Bien que les entreprises de tabac se disputent des parts de marché, elles s’unissent souvent pour contrer les efforts du gouvernement en matière de lutte antitabac ou pour aider les groupes cibles à faire le travail à leur place. Ce constat amène à ne surtout pas associer l’industrie du tabac aux mesures de protection, c’est à travers cette ingérence qu’elle parvient à s’infiltrer dans le processus de décision. Les industriels du tabac crée et finance régulièrement des groupes de façade ou coopte des organisations tierces, telles que des groupes de réflexion ou des groupes libertaires, souvent par l’intermédiaire d’agences de relations publiques, qui sont ensuite utilisées pour donner l’impression d’un large soutien des arguments opposés.

Le secteur demande également de participer aux décisions politiques en matière de réduction des méfaits en revendiquant son engagement à fabriquer des produits moins nocifs. Par exemple, Philip Morris International a récemment créé une Fondation pour un monde sans fumée tout en continuant de promouvoir activement ses mêmes produits meurtriers. La fondation s’était dite prête à accélérer le travail avec l’OMS et que cette dernière devrait «réfléchir au meilleur moyen de travailler avec la Fondation pour faciliter une réduction rapide de l’usage de cigarettes mortelles» mais aussi que le travail de la fondation devrait être «pleinement exploité par l’OMS ». Pendant ce temps, la société a fait pression aux États-Unis pour obtenir l’approbation de leur nouveau produit de tabac chauffé.

Un monde sans tabac ne peut pas construit avec l’argent des géants du tabac, ni sur la pseudoscience qu’ils colportent. Ce monde est en cours de construction à travers l’engagement des décideurs politiques en faveur de la santé des populations, ainsi que sur l’intégrité et le travail des organisations de la société civile du monde entier.

Pour comprendre par quels moyens les industriels du tabac sont parvenus à normaliser une habitude qui fait des millions de victimes tous les ans et continue toujours d’intervenir dans la réalisation des mesures de lutte contre l’épidémie tabagique, il suffit de se plonger dans l’analyse approfondie de la bande-dessinée  « Cigarettes, le dossier sans filtre », signée Pierre Boisserie et dessinée par Stéphane Brangier pour la maison d’édition Dargaud en partenariat avec le CNCT. Par sa rigueur, l’ouvrage de Pierre Boisserie et Stéphane Brangier démontre ad nauseam que ce cartel est menteur, manipulateur, délinquant et inhumain par son mépris de la vie humaine.

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« Cigarettes, le dossier sans filtre », est à travers ses 160 pages, une enquête méticuleuse, établie sur des faits avérés qui met en lumière ces spécialistes du marketing. Ils dépensent des milliards de dollars pour promouvoir leurs produits mortels, empêcher les gouvernements de protéger leur population et induire en erreur les consommateurs de tabac, quel que soit les conséquences pour la santé des personnes ou pour la société dans son ensemble.

Limiter cette ingérence de l’industrie du tabac est possible. Les directives de l’article 5.3 de la Convention-cadre de l’OMS identifient les limites spécifiques de l’implication de l’industrie dans l’élaboration des politiques et définissent des stratégies pour limiter la participation et les fautes de l’industrie, en accordant une attention particulière aux actions de l’industrie.

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Mots-clés : Ingérence, industriels du tabac, Manipulation tabac, Cigarettes le dossier sans filtre


[1]  Institut de recherche biologique situé à Darmstadt en Allemagne. 

[2] La United States Environmental Protection Agency (Agence américaine de protection de l’environnement) est une agence indépendante du gouvernement des États-Unis, dont les activités sont cependant contrôlées par le Comité des sciences, de l’espace et des technologies de la Chambre des représentants des États-Unis. Elle a pour mission de protéger la santé humaine et de sauvegarder les éléments naturels essentiels à la vie

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