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Traité plastique – L’intersection cruciale de la lutte antitabac et de la santé environnementale

La cinquième et dernière session du Comité de négociation intergouvernemental chargé d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant pour limiter la pollution plastique (INC-5), se tiendra du 25 novembre au 1er décembre 2024 à Busan (Corée du Sud). 

Le Comité national contre le tabagisme (CNCT) sera présent sur place, aux côtés de la Stop Tobacco Pollution Alliance (STPA), une coalition d’une centaine d’associations en santé publique.

La STPA plaide depuis le début des négociations pour une interdiction de l’ensemble des filtres de cigarettes et des autres produits du tabac ou connexes, notamment des dispositifs de vapotage, sources massives de pollution plastique. Compte tenu de la gravité de l’impact environnemental des produits de l’industrie du tabac et des mesures réglementaires uniques qui s’appliquent au tabac, l’OMS et d’autres organisations demandent une interdiction immédiate de ces produits. Elles rappellent aussi l’importance de rendre responsable l’industrie du tabac des dégâts occasionnés et de l’exclure de l’ensemble des négociations au regard des intérêts de cette industrie reconnus comme contradictoires et inconciliables avec ceux de la santé environnementale.  Ainsi, il apparaît nécessaire que la CCLAT de l’OMS reste aux côtés d’autres traités pertinents dans le préambule du traité sur les matières plastiques.  

La STPA demande aux Parties au traité sur le plastique de reconnaître le caractère unique du secteur du tabac et de l’aligner sur la Convention-Cadre pour la lutte antitabac (CCLAT) de l’OMS.  En particulier, les dispositions actuelles et « normalisées » relatives aux filières de responsabilité élargie des producteurs (REP), la circularité/le recyclage, la reconception des produits, les alternatives, ne peuvent s’appliquer aux produits du tabac en particulier au regard de la toxicité de ces produits. De même l’engagement des parties prenantes/du secteur privé, qui peuvent faire partie des solutions dans le contexte des industries plastiques sont exclues dans le traité de l’OMS. Ce dernier, ratifié par plus de 180 pays dans le monde et entré en vigueur depuis 2005 s’impose d’autant que les résultats associés à l’exclusion de l’industrie du tabac constituent une des dimensions essentielles du succès de la baisse du tabagisme dans le monde.

 

DECRYPTAGE

En février 2024, la 10e session de la Conférence des Parties à la Convention-Cadre pour la lutte antitabac de l’OMS a adopté une décision historique soulignant la nécessité d’aligner les efforts de lutte contre la pollution plastique sur les objectifs de la lutte antitabac. Certains domaines clés ont été mis en exergue tels que la responsabilité de l’industrie du tabac, la responsabilité élargie du producteur (REP), la classification des plastiques du tabac en tant que déchets dangereux, les options réglementaires (telles que l’interdiction des filtres de cigarettes et des cigarettes électroniques jetables), et la protection des politiques environnementales liées au tabac contre les intérêts commerciaux et acquis de l’industrie du tabac.

Filière REP : inadaptée pour les produits de l’industrie du tabac

La STPA demande notamment que l’industrie du tabac finance les dommages passés, actuels et futurs causés à l’environnement et à la santé, du fait de ses produits. Cette demande fait directement référence au principe « pollueur-payeur ». La STPA alerte cependant sur le mécanisme associé pour la mise en œuvre. Ainsi le principe pollueur payeur ne doit pas être détourné par les fabricants de tabac comme cela peut l’être actuellement dans certains pays européens, avec le mécanisme de la responsabilité élargie des producteurs (REP). La STPA appelle donc à la vigilance pour que les fabricants n’utilisent pas le concept de REP dans un sens positif du terme et comme un levier de communication à travers la gestion de missions qui pourraient leur être confiées. La seule option adaptée pour financer les dommages environnementaux des produits du tabac est la taxation des fabricants.

L’éco-organisme Alcome : le parfait contre-exemple en France

En France, les fabricants de tabac sont parvenus à être parties prenantes au dispositif de responsabilité élargie des producteurs via l’éco-organisme ALCOME, en charge de la gestion des mégots, et participent à la prise de décisions. Ce dispositif répond mal aux problématiques posées. En effet, le discours d’ALCOME fait reposer la responsabilité de la pollution par les mégots sur l’incivilité de ses consommateurs qu’il faudrait éduquer, en omettant de préciser que ces déchets sont d’abord produits par les fabricants de tabac. Le dispositif leur offre également une opportunité de communiquer en offrant une image de respectabilité et d’acteur légitime à la participation de la prise de décision. Les fabricants se trouvent par ailleurs en position de force pour préconiser des dispositions inutiles voire contreproductives comme la distribution de cendriers de poche et ce faisant, bloquent d’autres dispositions beaucoup plus efficaces (développement des lieux sans tabac, la suppression du filtre, etc.). De plus, l’implication de l’industrie du tabac dans un organisme de gestion des déchets et agréé par les pouvoirs publics est en contradiction avec les engagements internationaux de la France : la Convention-cadre de l’OMS (CCLAT), que la France a ratifié en 2004. En effet, les directives d’application de l’article 5.3 rejettent tout accord avec l’industrie du tabac. Par ailleurs les activités dites de responsabilité sociale des entreprises (RSE) sont interdites en France concernant l’industrie du tabac. Dans cette perspective, seul un mécanisme de taxe venant abonder le fonctionnement d’un éco-organisme indépendant de cette industrie est susceptible de respecter ces règles et de fonctionner efficacement.

En effet, les fabricants de tabac sont fondamentalement hostiles au principe pollueur-payeur et s’efforcent de ne pas assurer les obligations qui leur incombent. Trois années après la mise en place de l’éco-organisme Alcome, ce dernier a déjà été condamné à deux reprises par les juridictions administratives françaises et à plus d’un million d’euros d’amende pour non-respect de ses engagements. En effet, il est prévu qu’Alcome fournisse des cendriers urbains aux personnes publiques et privées dont l’activité génère des jets de mégots dans l’espace public. Mais la mesure était contestée par les producteurs de tabac depuis le début, comme de nombreuses autres obligations qu’ils jugeaient trop coûteuses.

Cet exemple montre la nécessité d’exclure l’industrie du tabac de l’ensemble des négociations, conformément aux engagements pris par les pays au titre des dispositions de l’article 5.3 du traité de la Convention-Cadre pour la lutte antitabac (CCLAT) de l’OMS mais également pour des raisons d’efficacité au regard des objectifs poursuivis.

 

L’interdiction des filtres, seul moyen pour réduire durablement la pollution plastique par les mégots de cigarettes                         

  1. Les filtres doivent être classés comme des déchets toxiques dangereux – Les mégots de cigarettes contiennent des substances chimiques dangereuses qui, conformément à la directive de l’Union européenne sur les plastiques à usage unique (SUP), devraient être classées comme déchets dangereux. Les mégots de cigarettes libèrent des substances chimiques telles que la nicotine, des substances cancérigènes propres au tabac et des métaux qui polluent les milieux aquatiques. Des études en laboratoire ont montré que les lixiviats de mégots étaient toxiques pour les micro-organismes, les plantes, les invertébrés et les vertébrés. Les lixiviats peuvent tuer la vie marine et affecter la reproduction en peu de temps. Le taux de contamination toxique est élevé tant dans les décharges que dans l’environnement aquatique.
  2. Les filtres et produits du tabac ne peuvent pas faire partie d’une économie circulaire L’élimination des toxines des filtres usagés est un processus à forte intensité de ressources et d’énergie dont l’innocuité et l’efficacité n’ont pas été étudiées. En outre, les efforts de recyclage ne sont pas adaptables aux produits du tabac en raison de l’intensité des efforts nécessaires pour collecter, séparer, transporter et détoxifier les filtres en vue de leur utilisation dans d’autres produits de consommation. En outre, des changements dans la conception des filtres de cigarettes (par exemple, pour faciliter leur recyclage) iraient à l’encontre des réglementations sur les produits qui empêchent l’industrie du tabac d’introduire des caractéristiques esthétiques attrayantes afin de recruter de nouveaux consommateurs.
  3. Les filtres ne protègent pas la santé des fumeurs Les filtres de cigarettes n’ont aucune justification sanitaire pour le fumeur et doivent être considérés comme un simple outil marketing de l’industrie du tabac. Ils ont été développés par l’industrie du tabac en réponse aux inquiétudes grandissantes des effets du tabagisme sur la santé dans la seconde moitié du 20ème siècle et pour réduire les coûts de production. Ils visaient également à réduire l’inconfort évoqué par les fumeurs en lien avec la présence de brins de tabac dans la bouche mais aussi l’âcreté de la fumée. Les filtres à cigarettes donnent un faux sentiment de sécurité car le fumeur croit qu’ils purifient la fumée des substances nocives.
  4. Les filtres biodégradables ne sont pas la solution Les filtres usagés de cigarettes, quelle que soit leur composition, contiennent des éléments toxiques extrêmement dangereux. En se décomposant, le filtre libère ces produits chimiques, dans lesquels l’on trouve également des métaux lourds et des substances radioactives comme le polonium, directement dans la nature. Ainsi, le seul avantage que pourrait avoir cette nouvelle génération de filtres, à savoir un intérêt environnemental, est donc inexistant. Il tendrait même à aggraver leur impact environnemental si les fumeurs pensent que le jet de mégot n’aura plus d’influence sur l’environnement en raison de son caractère biodégradable

Contact de presse

Amélie ESCHENBRENNER
communication@cnct.fr
+33 6 79 96 59 94

A propos du CNCT

Le Comité National Contre le Tabagisme est la première association qui s’engage et agit pour la prévention et la protection des personnes face aux méfaits du tabac et aux pratiques de son industrie. En France, le tabagisme reste la première cause de mortalité prématurée et évitable. Pour lutter contre ce fléau, le CNCT mène à la fois des actions de prévention afin de sensibiliser sur ces dangers et des actions de plaidoyer pour faire adopter des mesures de protection efficaces.

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