Taxes tabac : le CNCT interpelle le ministre du Budget
Paris, le 06 novembre 2024 – Au micro de France 3, le ministre du Budget et des Comptes publics a rappelé son intention de ne pas instaurer de trajectoire fiscale sur les produits du tabac, risquant, selon lui, de favoriser les marchés parallèles. Le 4 novembre, le CNCT lui a adressé un courrier, que nous partageons ici :
Monsieur le Ministre,
Le Comité national contre le tabagisme est la première association de lutte contre le tabagisme en France, et un partenaire régulier des pouvoirs publics, en particulier le ministère de la Santé.
Lors d’un entretien accordé à France 3, vous avez rappelé votre intention de ne pas engager de hausse de taxes sur la fiscalité sur le tabac. A de nombreux égards, une telle position nous semble problématique.
D’abord, nous attirons votre attention sur le fait que cette mesure est unanimement reconnue par la littérature scientifique comme l’outil le plus efficace pour faire reculer la consommation tabagique, et prévenir l’entrée de nouvelles générations dans l’addiction tabagique. La politique du paquet à 10 euros, menée sous Edouard Philippe, a par ailleurs été une démonstration empirique de son efficacité, en permettant une réduction historique de la prévalence tabagique, et notamment celle des jeunes et des populations précaires. Alors que le tabagisme est responsable de la mort prématurée de 75 000 personnes en France chaque année, l’absence d’une forte trajectoire fiscale sur l’ensemble des produits du tabac se traduira par une stagnation -voire une dégradation- de la situation sanitaire.
Ensuite, bien que les hausses de taxes aient d’abord un objectif de santé publique, nous nous permettons toutefois d’insister sur le fait qu’une trajectoire fiscale permettrait de résorber une partie des deux milliards d’euros de déficit que le tabagisme entraîne pour les comptes publics.
Enfin, il nous apparaît essentiel de souligner que les intérêts de la santé publique prévalent sur le souci de préserver le réseau des buralistes, d’autant que le chiffre d’affaires de ces derniers sur la vente de tabac a augmenté de 100% depuis 2015, notamment grâce aux hausses de taxes.
Lors de votre intervention sur France 3, vous faites allusion à la question du surapprovisionnement des marchés frontaliers par l’industrie du tabac, alimentant de fait les marchés parallèles. Le CNCT, ayant pris attache avec le député M. VALLETOUX, souscrit entièrement à la nécessité d’imposer des quotas d’approvisionnement des pays de l’Union européenne, correspondant à la réalité de la consommation nationale, conformément au Protocole de l’OMS pour lutter contre le commerce illicite des produits du tabac, ratifié par la France. Afin de lutter efficacement contre les marchés parallèles, il apparaît par ailleurs indispensable que les données du système de suivi et de traçabilité soient rendues publiques, afin notamment de renseigner et d’objectiver les pratiques de surapprovisionnement par l’industrie du tabac. En lien avec le Protocole de l’OMS, il est par ailleurs indispensable que le système de suivi et de traçabilité soit intégralement indépendant de l’industrie du tabac, impliquant une révision de l’article 15 de la directive européenne des produits du tabac.
Dans cette perspective, nous nous permettons de vous solliciter afin de convenir d’un échange avec vous, dans l’objectif d’aborder ces deux points susmentionnés.
Nous nous tenons naturellement à votre entière disposition,
Nous vous prions d’agréer, monsieur le Ministre, en l’expression de notre haute considération,
Pr Yves MARTINET
Président du Comité national contre le tabagisme