PNLT : La France s’éloigne de son objectif d’une génération sans tabac
Paris, le 28 novembre 2023 – Alors que le Programme national de lutte contre le tabagisme (PNLT) 2023-2027 vient d’être dévoilé, le Comité national contre le tabagisme (CNCT) regrette l’absence de plusieurs mesures fortes, en particulier la mise en place d’une trajectoire fiscale ambitieuse sur les produits du tabac. D’autres mesures sont cependant à saluer, comme la généralisation des espaces sans tabac, l’introduction du paquet neutre pour les produits du vapotage ou encore un meilleur accès aux traitements de substitution nicotinique. Pour le CNCT, ce nouveau plan en demi-teinte est le résultat d’un fort lobby des buralistes et est en incohérence avec l’objectif de parvenir à une génération sans tabac d’ici 2032.
Le CNCT déplore le manque d’une réelle trajectoire fiscale sur le tabac
Si des hausses de taxes seront bien appliquées sur le tabac, elles resteront marginales et correspondent uniquement à l’indexation de la fiscalité sur les niveaux d’inflation et ne répondent aucunement à un objectif de santé publique. D’autant plus que la première hausse se ferait seulement en 2025 et porterait le prix du paquet à 12€ et à 13€ en 2027. La réticence gouvernementale à augmenter les prix du tabac ces dernières années s’est traduit par une stabilisation de la consommation en France à un niveau très élevé.
Seules des hausses de taxes significatives et répétées dans le temps sont efficaces pour réduire la consommation de tabac, comme le démontre une littérature scientifique abondante, l’OMS ou encore la Banque mondiale. Par ailleurs, cette efficacité est constatée par l’OMS « quel que soit le contexte ». Cette mesure est particulièrement efficace auprès des jeunes et des catégories sociales plus précaires, particulièrement sensibles à l’argument du prix.
Le manque de volonté des décideurs publics à mettre en place un tel outil de santé publique est indissociable de la capacité d’influence et d’ingérence de l’industrie du tabac et de la Confédération des buralistes dans les politiques publiques.  Le lobbying de l’industrie du tabac est identifié par l’OMS comme un obstacle majeur à l’amélioration de la situation sanitaire. Le CNCT rappelle l’importance de protéger les politiques publiques de l’ingérence de l’industrie du tabac et de ses alliés, conformément à l’article 5.3 de la Convention-Cadre de l’OMS, ratifié par la France, qui précise que les politiques publiques ne doivent pas êtres influencées par les intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac. Le prochain PNLT devrait contraindre ce lobby aux mêmes obligations de transparence qui s’imposent aux cigarettiers.Â
Pour le Professeur Yves Martinet, président du Comité national contre le tabagisme, « Le refus d’augmenter de manière significative le prix du tabac est le reflet d’un lobby encore trop important de la part des buralistes dans les politiques de santé publique. La mise en place de politiques fiscales ambitieuses sur le tabac est pourtant une stratégie gagnante à tous points de vue et doit faire partie de toute stratégie de réduction du tabagisme, en particulier si on veut parvenir à une génération sans tabac ».
Le CNCT retient cependant la volonté du gouvernement d’aligner fiscalement l’ensemble des produits du tabac (tabac à chauffer, tabac à rouler, etc.) pour éviter tout transfert de consommation d’un produit à un autre.
Espaces sans tabac : une stratégie complète et cohérente
Le nouveau Plan souhaite généraliser les interdictions de fumer aux parcs, forêts, établissements scolaires et plages. Autant dans une perspective de santé publique que de dénormalisation du tabagisme, la stratégie de généralisation des espaces sans tabac est une mesure essentielle du PNLT et une mesure préconisée par la Convention-cadre pour la lutte antitabac de l’OMS. Ces dispositions sont par ailleurs portées par le CNCT, à travers son projet expérimental « Ville libre sans tabac ».
Faciliter l’accès aux aides à l’arrêt éprouvées
Le gouvernement souhaite faciliter l’accès aux aides à l’arrêt qui sont reconnues comme efficaces, notamment les traitements de substitutions nicotiniques, en offrant la possibilité pour le fumeur d’accéder à ces médicaments sans ordonnances et en étant remboursé. Le ministre de la santé a également indiqué vouloir renforcer les moyens alloués à Tabac Info Service, le dispositif d’information et d’aide à l’arrêt de Santé publique France.
Renforcements mitigés de la réglementation des nouveaux produits
Le CNCT se réjouit des annonces du ministre de la santé de généraliser le paquet neutre à l’ensemble des produits du tabac et du vapotage et d’interdire les dispositifs de vapotage jetables de type puff, des mesures portées depuis de longue date par le CNCT. Si Aurélien Rousseau a annoncé également vouloir « limiter » les arômes attractifs pour les dispositifs de vapotage et à étudier l’impact des autres nouveaux produits comme les sachets et perles de nicotine, le CNCT pointe toutefois la nécessité de redoubler de vigilance sur ces points :
- Le CNCT alerte sur la nécessité que la prochaine loi relative à l’interdiction des cigarettes électroniques jetables puffs tienne compte, dans sa rédaction, à ce qu’elle intègre l’ensemble des dispositifs, y compris les nouvelles générations de puffs, spécialement conçues par les fabricants dans un objectif de contournement de la loi (puffs rechargeables un nombre limité de fois, puffs à clipser, etc.)
- Le CNCT demande non pas la limitation des arômes mais l’interdiction de l’ensemble des arômes, à l’exception de la saveur tabac et l’instauration d’une catégorie fiscale pour ces produits.
- Le CNCT a constaté ces dernières années une démultiplication sans contrôle des nouveaux produits de la nicotine, vendus en violation des dispositions existantes relatives aux produits de nicotine. Dans cette optique, le CNCT appelle les pouvoirs publics à l’interdiction pure et simple des nouveaux produits de la nicotine existants, (billes de nicotine, sachets de nicotine, etc.), à l’exception des produits du vapotage et à l’interdiction de mise sur le marché pour les nouveaux produits. Une telle mesure, apparentée à un gel du marché, est cohérente avec l’objectif d’une sortie progressive du tabac et de la nicotine.
Le Professeur Martinet, président Comité national contre le tabagisme se félicite de la volonté gouvernementale de lutter contre l’attractivité et la démultiplication des nouveaux produits du tabac et de la nicotine, enjeux essentiels pour protéger les plus jeunes.
Crédit photo : Luc Nobout/IP3 PRESS/MAXPPP