INC5.2 – Une opportunité d’avoir un traité plastique audacieux, aligné sur les objectifs de santé et incluant la pollution des produits du tabac
Busan, le 2 décembre 2024 – Le cinquième Comité intergouvernemental de négociation (INC5) chargé d’élaborer un traité international juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique s’est achevé tard le 1er décembre 2024 à Busan, en Corée du Sud. Les négociations ont échoué à aboutir à un accord et continueront à une date ultérieure sur la dernière version du document officieux (non-paper). Bien que le CNCT et la Stop Tobacco Pollution Alliance (STPA) saluent l’engagement et le travail acharné des États membres et de la présidence, le projet de traité contient plusieurs éléments problématiques tels que la mention des « filtres de cigarettes en plastique » à l’annexe X. Cette mention n’inclut pas tous les autres filtres (filtres biodégradables déjà sur le marché). En outre, les produits énumérés à l’annexe X ne font pas l’objet d’une interdiction immédiate, mais plutôt d’une élimination progressive. La STPA déplore également l’absence d’alignement sur les traités relatifs à la santé, en particulier la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT), qui pourrait constituer une protection efficace pour exclure l’ingérence de l’industrie du tabac.
Les négociateurs de plus de 170 pays se sont réunis du 25 novembre au 1er décembre en vue d’élaborer un traité international juridiquement contraignant visant à mettre fin aux déchets plastiques d’ici à 2040. Si tous les pays s’accordent sur la gravité du problème, les avis divergent radicalement sur la manière de s’y attaquer.
Luis Vayas Valdivieso, président du comité de négociation, a annoncé à l’ouverture de la session plénière qu’il fallait plus de temps pour parvenir à un accord, le texte actuel étant encore trop vague et indécis sur de trop nombreux points. Les pays réunis à Busan sont profondément divisés sur la question de la limite de production de plastique. Cette mesure est poussée par les pays de la High Ambition Coalition dont la France et l’Union Européenne mais bloquée par les pays producteurs de plastique comme l’Arabie Saoudite et la Russie.
Inclusion vague et restrictive des filtres de cigarettes en plastique dans le document de travail
L’inclusion des filtres de cigarettes en plastique dans l’annexe X de l’article 3 du projet de traité doit être examinée avec soin. Si nous nous félicitons que les délégués de Busan aient reconnu la pollution plastique due aux mégots de cigarettes dans le projet provisoire, la mention « avec plastique » peut être perçue comme une approbation des filtres biodégradables dont l’industrie du tabac fait actuellement la promotion et qui, comme tous les filtres, n’offrent aucune protection pour la santé des fumeurs. Les mégots, quelle que soit leur composition (plastique ou non plastique), contiennent jusqu’à 7 000 substances chimiques et des éléments toxiques extrêmement dangereux. En se décomposant, le filtre libère dans les milieux terrestres et aquatiques ces substances chimiques, qui comprennent également des métaux lourds et des substances radioactives telles que le polonium. L’utilisation de filtres biodégradables aura même tendance à exacerber leur impact sur l’environnement si les fumeurs pensent que jeter un mégot n’aura plus d’influence sur l’environnement parce qu’il est biodégradable. Contrairement à d’autres formes de plastique, les mégots ne peuvent pas faire partie d’une économie circulaire. Il n’est donc pas possible de les recycler et il n’existe pas de solution de remplacement sûre.
Une opportunité de s’aligner sur d’autres traités pertinents en matière de santé, tels que la Convention-cadre de l’OMS sur la lutte anti-tabac
Les produits énumérés dans les annexes sont actuellement des plastiques prioritaires, mais seront éliminés progressivement sur une période de x années au lieu d’être interdits immédiatement. Le maintien des filtres dans les annexes signifie qu’un organe sera créé par la future conférence des parties (COP1), qui proposera des orientations sur les produits plastiques prioritaires, afin d’aider les parties à mettre en Å“uvre cet article. Cela pourrait permettre à l’industrie du tabac d’être présente et de saisir cette occasion pour devenir une partie prenante active du processus.
Cette situation se produit en dépit de l’accord mondial sur la santé (article 18 de la COP10 de la CCLAT) qui invite les pays à « coordonner leurs efforts pour lutter contre les déchets plastiques provenant des produits du tabac » et à protéger les politiques environnementales liées au tabac des intérêts commerciaux et particuliers de l’industrie du tabac.
La prise en compte des accords et lignes directrices internationaux pertinents dans les sections relatives à la conception des produits, à la gestion des déchets plastiques et à la pollution plastique existante (Article 8) pourrait permettre à ce traité de surmonter le risque de voir l’industrie du tabac exploiter le secteur de l’environnement pour des partenariats et des activités d’écoblanchiment, notamment à travers les filières de Responsabilité Elargie du Producteur (REP), actuellement utilisées dans certains pays (dont la France – Alcome) comme un outil de communication par les fabricants de tabac.
La STPA rappelle que la société civile et les gouvernements – tant dans le secteur de l’environnement que dans celui de la santé – doivent travailler ensemble pour veiller à ce que les mesures environnementales s’alignent sur les objectifs de santé mondiaux, au lieu de les compromettre.
Le leadership de la France et l’UE en faveur d’un traité mondial ambitieux sur les plastiques
Malgré certaines contraintes, la France et l’Union Européenne ont fait preuve d’un leadership louable en travaillant aux côtés de nations telles que le Panama, les Fidji, le Mexique et le Rwanda, ralliant finalement le soutien de plus de 100 pays pour plaider en faveur d’un traité ambitieux et complet. La ministre déléguée chargée de l’Energie, Olga Givernet, était présente à Busan, est intervenue à plusieurs reprises, auprès des médias, des délégués présents et de la société civile pour affirmer la volonté de la France à obtenir un traité ambitieux et réduire la production de plastique à la source.
Figure 1 – Intervention de la ministre Olga Givernet en plénière le 1er décembre à Busan
Lors d’une réunion des parties prenantes de l’UE organisée par la présidence hongroise du Conseil de l’UE et la Commission européenne, l’institution a également réitéré sa position ferme sur l’exclusion de l’industrie du tabac des négociations du traité, reconnaissant son rôle unique et néfaste dans la crise de la pollution plastique.
La STPA rappelle qu’il est difficile de s’attaquer à la pollution plastique sans tenir compte du rôle du tabac. Nous devons veiller à ce que ce traité soit en harmonie avec les cadres de santé tels que la convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT).
La seule position défendue par la STPA est l’interdiction immédiate des filtres à cigarettes, qui n’ont aucune justification sanitaire. Toute autre position, telle que l’approbation de filtres biodégradables, l’appel à une élimination ou à une réduction facultative ou volontaire, constituerait un avantage pour l’industrie du tabac et nuirait à la lutte mondiale contre le tabagisme et à l’environnement.