Le billet du Pr. Martinet. Hausses de taxes : le gouvernement se saisit de l’urgence sanitaire
L’annonce gouvernementale d’engager des hausses de taxes sur les produits du tabac dans l’objectif d’atteindre une première génération sans tabac d’ici 2030 est une excellente nouvelle pour la santé publique, et témoigne de l’effort des pouvoirs publics de se tenir à l’écart de l’influence des fabricants. La mise en place d’une politique fiscale volontaire, urgente en France, doit s’accompagner d’une série de mesure complémentaires, afin de maximiser nos chances d’atteindre cet objectif ambitieux de santé publique.
Répétons-le : les hausses de taxes sur les produits du tabac sont l’outil le plus efficace et le plus rentable pour faire diminuer la consommation de tabac, notamment auprès des jeunes, davantage sensibles à l’argument du prix. Pour être effectives, ces hausses de taxes doivent impérativement être significatives : limitées à un certain seuil (+6%), les hausses de prix ne sont pas suffisamment dissuasives, et ne font que pénaliser le pouvoir d’achat des fumeurs. Ces hausses de taxes doivent également être répétées et continues dans le temps : tous les exemples montrent que les périodes de statu quo fiscal sur les produits du tabac se soldent systématiquement par une reprise de la consommation. Le moratoire obtenu par les buralistes à la suite du premier Plan cancer a d’ores et déjà témoigné du fait que l’absence de cohérence fiscale sur le tabac se paye au prix fort par la santé publique.
Une telle mesure apparaît par ailleurs comme une mesure de bon sens fiscal : dans un contexte de COVID-19, où l’équilibre budgétaire est mis à rude épreuve, les hausses de taxes sur le tabac arrivent à point nommé. Alors que le tabagisme est un véritable fardeau économique pour les collectivités, cette nouvelle politique de taxation permettra de réduire l’hémorragie fiscale que représente le tabac en France.
Malgré l’amélioration observée ces dernières années, la situation tabagique des jeunes en France demeure problématique. Plus d’un quart des jeunes de 17 ans sont encore aujourd’hui fumeurs quotidiens (25,1%), tandis que près de 60% d’entre eux ont déjà expérimenté la cigarette. Chaque année, on estime que 200 000 mineurs commencent à fumer. A ce titre, l’âge de la première cigarette se situe en France entre 13 et 14 ans, faisant du tabagisme une épidémie pédiatrique.
En février 2021, le Président de la République a annoncé l’objectif de parvenir à une génération sans tabac d’ici 2030 : à cette date, la prévalence des jeunes de 20 ans ne devra pas excéder 5%. Or, si l’on considère que les jeunes fument leur première cigarette entre 13 et 14 ans, l’expérimentation tabagique de cette génération pourrait intervenir dès 2023-2024. Ces chiffres interpellent sur l’urgence d’intensifier les politiques de prévention et de contrôle du tabac, afin d’enrayer la mise sous dépendance nicotinique d’une nouvelle génération d’adolescents.
La décision d’appliquer une politique fiscale volontaire sur l’ensemble des produits du tabac est par ailleurs un excellent signal pour la protection des politiques publiques de l’influence de l’industrie du tabac. En effet, les fabricants mènent depuis plusieurs mois une forte campagne de lobbying dans l’objectif d’obtenir une fiscalité préférentielle pour le tabac chauffé. L’annonce gouvernementale semble montrer que les pouvoirs publics ne se laissent pas abuser par l’instrumentalisation de la notion de réduction des risques par l’industrie du tabac.
Si cette politique fiscale est plus que nécessaire, il est aujourd’hui indispensable de mettre en place une série de mesures complémentaires pour atteindre l’objectif fixé par Emmanuel Macron. En particulier, nous appelons notamment les pouvoirs publics à :
- Généraliser le paquet neutre à l’ensemble des produits du tabac et de la nicotine pour en réduire l’attractivité ;
- Standardiser les unités de tabac pour chaque catégorie de produits, en imposant un format unique pour les bâtonnets (longueur, diamètre, couleur, graphique, police d’écriture, apposition d’avertissements sanitaires) ;
- Interdire l’utilisation des filtres, qui n’ont aucune justification sanitaire, et qui facilitent l’initiation au tabac des plus jeunes ;
- Faire appliquer la loi, en particulier l’interdiction de vente des produits du tabac aux mineurs qui n’est, actuellement que très peu respectée.
Yves Martinet
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