Le tabagisme passif, un risque mortel
La fumée de tabac, un poison pour fumeurs et non-fumeurs
Le tabagisme passif est un problème de santé publique qui concerne l’ensemble de la société, fumeurs comme non-fumeurs, enfants et adultes.
Dans la Convention-Cadre pour la lutte Antitabac (CCLAT), ratifiée par la France en 2004, l’Organisation Mondiale de la Santé confirme que « l’exposition à la fumée de tabac entraîne la maladie, l’incapacité et la mort ».
En France, avant l’entrée en vigueur de l’interdiction de fumer dans les lieux publics et de travail, le nombre de morts par tabagisme passif était estimé à 1 100 personnes par an[1].
Les conséquences sanitaires sont suffisamment importantes pour avoir justifié la mise en place, en 2007 et 2008, de mesures ayant pour objet de protéger l’ensemble de la population, fumeurs et non-fumeurs, du danger mortel de la fumée de tabac, dans tous les lieux de travail et d’accueil du public.
Il existe deux types de tabagisme passif : celui auquel est exposé le fœtus dont la mère fume, et le tabagisme passif environnemental, auquel on est exposé en inhalant la fumée de tabac.
La fumée de tabac est particulièrement dangereuse dans la mesure où il n’existe pas de seuil minimum d’exposition sans risque pour la santé. Il n’est pas nécessaire d’être exposé des années pour en subir les conséquences. Au bout de quelques minutes, et même à partir d’une faible exposition, le tabagisme passif représente un danger.
Pour savoir si l’on est exposé aux toxiques présents dans la fumée de tabac, il ne faut pas se fier à son simple odorat et à la vision des volutes de fumée. En effet, si l’odeur et la fumée se dissipent assez rapidement, les toxiques qui la composent, en revanche, restent présents en suspension dans l’air, et fixés sur les tissus par exemple, sur une durée plus longue, pouvant atteindre plusieurs heures, voire plusieurs jours pour certains d’entre eux. Ces toxiques sont à l’origine du tabagisme tertiaire quand ils sont relargués dans l’air ambiant.
Contrairement aux idées reçues, entretenues par une industrie du tabac soucieuse de minimiser la perception de ce risque par l’opinion publique, la fumée dégagée à l’extrémité d’une cigarette est en réalité plus toxique que la fumée inhalée par le fumeur. En effet, comme l’ont démontré les recherches effectuées sur ce thème dans les années 1980 par Philip Morris (le fabricant des Marlboro), cette fumée est, par gramme de fumée, la cause de 2 à 6 fois plus de tumeurs que la fumée inhalée par le fumeur[2].
A ce titre, l’exposition à la fumée de tabac représente un risque majeur aussi bien pour les fumeurs que pour les non-fumeurs
En effet, suite à l’inhalation par les non-fumeurs des produits toxiques (monoxyde de carbone, goudrons, particules, nicotine…) présents dans la fumée de tabac, on retrouve, à des taux significatifs dans leurs urines, ces substances responsables de la survenue de cancers, de maladies cardio-vasculaires et de maladies respiratoires.
Quant aux fumeurs, qui cumulent ainsi les risques liés au tabagisme passif et à leur consommation active, ils sont les victimes d’une véritable double peine.
Le tabagisme tertiaire
La « fumée de troisième main » ou « tabagisme tertiaire » ou « tabagisme ultra-passif », désigne l’exposition dans une pièce ou un véhicule aux produits chimiques de la fumée du tabac qui se sont fixés aux vêtements, aux murs, aux meubles, aux tapis, aux coussins, aux cheveux, à la peau et à d’autres matériaux pendant que la cigarette était fumée et qui sont relâchés dans l’air ambiant au cours des jours et des semaines suivantes. Les résidus du tabagisme tertiaire présentent un risque potentiel important pour la santé des non-fumeurs. Les nourrissons et les enfants sont plus exposés que les adultes par leurs contacts avec les surfaces des meubles et des vêtements, lorsqu’ils rampent, jouent ou se blottissent contre leurs parents, ils ont tendance à toucher les objets autour d’eux, et ainsi à la fois à ingérer et à inhaler ces particules dangereuses, qui pénètrent dans leur corps.
Les risques pour la santé
Le risque cardio-vasculaire est le plus important
Il est à ce point élevé que certains auteurs l’estiment assez proche de celui présenté par les fumeurs actifs. Ce risque survient pour des durées courtes d’exposition à la fumée environnementale, de l’ordre de quelques minutes à quelques heures. Le résultat de cette exposition se traduit par la survenue d’infarctus, avec leurs conséquences souvent dramatiques.
Ainsi, être exposé de 1 à 7 heures par semaine au tabagisme passif augmente le risque d’infarctus du myocarde de 25 %[3]. Ce risque est augmenté de 60 % pour les sujets exposés au tabagisme passif plus de 21 heures par semaine, un risque similaire à celui de fumeurs actifs consommant une à neuf cigarettes par jour[4].
Concernant le tabagisme au domicile, pour un non-fumeur, le fait de vivre avec un conjoint fumeur augmente notamment le risque d’accident vasculaire cérébral.
La survenue de maladies respiratoires et de cancers est la deuxième conséquence du tabagisme passif
Il s’agit de cancers du poumon qui surviennent chez des non-fumeurs exposés de façon régulière, que ce soit dans le cadre de leur travail – comme l’étaient les employés de bars, restaurants et discothèques avant 2008 – ou à leur domicile, au contact d’un conjoint fumeur.
De plus, le tabagisme passif est un facteur d’aggravation de l’asthme et des broncho-pneumopathies chroniques obstructives (BPCO). Il est, enfin, un facteur de risque d’infections respiratoires hautes (otites, sinusites) et basses (bronchites) chez l’enfant[5].
Chez les adultes, la mortalité attribuable au tabagisme passif est estimée à 1 100 décès chaque année en France, par infarctus, accident vasculaire cérébral, cancer du poumon ou maladies respiratoires chroniques. Le tabagisme passif augmente de 27 % le risque de cardiopathie ischémique et de 25 % le risque de cancer du poumon pour les non-fumeurs[6]–[7].
Chez les enfants, l’exposition à la fumée de tabac double le risque de mort subite du nourrisson, augmente les risques d’infections respiratoires de 55 %, d’asthme de 32 % et d’otites aiguës de 38 %[8].
Le cancer du sein
Le risque relatif de cancer du sein chez les femmes exposées au tabagisme passif, comparé aux non-fumeuses n’ayant jamais été exposées au tabagisme passif, est augmenté d’environ 30 %[9].
Les dangers du tabagisme passif sur la grossesse et le jeune enfant
L’exposition à la fumée de tabac, que ce soit avant ou après la naissance, multiplie par deux le risque de mort subite du nourrisson[10]. Les principales conséquences sur le fœtus de cette exposition au tabac avant la naissance sont bien documentées : certaines malformations (cardiopathies congénitales, anomalies osseuses, de la face et du tube digestif) ; mort fœtale in utero (+50%) ; petit poids à la naissance (x 2) ; augmentation du risque de prématurité (environ +10%) ; fausses couches précoces[11].
Au total, le tabagisme passif tue à tous les âges, à court comme à long terme.
Certaines conséquences de cette exposition prénatale sont aussi observables après la naissance : risques accrus de mort subite du nourrisson (x 2 à 4), d’asthme, de pathologies et d’infections respiratoires, de surpoids et d’obésité (x 1,5 à 2). L’intensité et la durée de consommation, ainsi que l’arrêt du tabac durant la grossesse, influent sur ces dommages sanitaires.
Tout au cours de l’enfance, l’exposition à la fumée de tabac au sein du domicile augmente chez les enfants les risques de mort subite du nourrisson (x 2 à 3), d’asthme, de pathologies et d’infections respiratoires (bronchiolites), ainsi que de pathologies oto-rhino-laryngées (ORL)[12].
[1] Quatremère G, Pasquereau A, Guignard R, Andler R, Nguyen-Thanh V et les groupes Baromètre de Santé publique France 2017 et 2018. Exposition à la fumée de tabac sur le lieu de travail et au domicile entre 2014 et 2018 : résultats du Baromètre de Santé publique France, 2020. 13 p
[2] Schick S. et Glantz S. Philip Morris toxicological experiments with fresh sidestream smoke : more toxic than mainstream smoke. Tob Control 2005 ; 14:396-404
[3] Teo KK. et al. Tobacco use and risk of myocardial infarction in 52 countries in the INTERHEART study : a case-control study. Lancet 2006 ;368:647-658
[4] Lifting the smokescreen. Ten reasons for a smoke free Europe. ERS J Ltd, Bruxelles 2006
[5] CIRC. www.iarc.fr[18] Eisner MD. et al. Directly measured second-hand smoke exposure and COPD health outcomes. BMC Pulmonary Medicine 2006 ;6:12
[6] Taylor R, Najafi F, Dobson A. Meta-analysis of studies of passive smoking and lung cancer: effects of study type and continent. Int J Epidemiol. 2007;36(5):1048-59.
[7] Stayner L, Bena J, Sasco AJ, Smith R, Steenland K, Kreuzer M, et al. Lung cancer risk and workplace exposure to environmental tobacco smoke. Am J Public Health. 2007;97(3):545-51.
[8] Hill C. Les effets sur la santé du tabagisme passif. Bull Epidémiol Hebd. 2011;(20-21):233-5.
[9] Johnson K. C. Accumulating evidence on passive and active smoking and breast cancer risk. Int J Cancer, 2005, 117 : 619-628.
[10] Que sais-je, La grossesse et le tabac, Pr Michel Delcroix, PUF, 2ème édition mise à jour avril 2002.
[11] Torchin H, Diguisto C. Conséquences somatiques de l’exposition au tabac chez l’enfant et l’adolescent. La Revue du Praticien, vol. 71, mars 2021.
[12] Ibid