La stratégie de la confédération des buralistes

La Confédération des buralistes, porte-parole de l’industrie du tabac : méthodes et financements

Ayant peu de légitimité à s’exprimer, les fabricants de tabac agissent aujourd’hui de manière plus discrète et s’expriment au travers de la voix des représentants des buralistes.
Les stratégies et les techniques de lobby auxquelles la Confédération des buralistes a recours sont les mêmes que celles de l’industrie du tabac. Du reste, les agences de lobbying sont souvent les mêmes pour les deux parties concernées. La finalité des buralistes est celle des fabricants : un développement des ventes de tabac afin d’accroître leurs marges.

Une stratégie offensive, un lobbying agressif aujourd’hui porté par la Confédération des Buralistes 

L’étude des discours de la Confédération dans sa revue, Le Losange, démontre une rhétorique autour de la guerre : « guérilla », « offensive », « forcing », « menaces », « combat », « blocus », « riposte », « guerre », « arme », « agressivité syndicale ». En ce sens, les buralistes s’inscrivent totalement dans l’analyse des fabricants en ce qui concerne la question du tabac dans la société.

Cette stratégie offensive, auparavant portée par les fabricants, l’est aujourd’hui par les dirigeants de la Confédération. Elle se concentre sur le rejet de toute réglementation dans le cadre de la lutte contre le tabagisme, et ce afin de maintenir le niveau des ventes, c’est-à-dire les profits. En corollaire, cela signifie « attaquer » tout responsable politique, association de santé publique ou institution s’engageant dans la lutte contre le tabagisme ou remettant en cause les pratiques des débitants de tabac.

Ce qui caractérise par ailleurs la Confédération des Buralistes est la défense de ses intérêts, à savoir maintenir voire bénéficier sans cesse d’aides additionnelles. A cette fin, elle œuvre de manière commune avec les fabricants qui jouent un rôle majeur dans les négociations des dispositifs tels le Contrat d’avenir.

La devise de la Confédération « La meilleure défense c’est l’attaque », est rappelée régulièrement par le président de la confédération, Pascal Montredon. « D’où la volonté de « voir en avant » et de ne pas se limiter à la stricte protection d’acquis syndicaux. »

Une organisation financée par l’industrie du tabac

La Confédération des Buralistes bénéficie de financements provenant des fabricants de tabac :

  • Au travers des insertions publicitaires dans les revues Le Losange ou Buralistes (magazines envoyés aux parlementaires) :Les tarifs des insertions publicitaires pratiqués sont sans commune mesure avec les tarifs d’insertions habituels.
  • Au travers des cadeaux offerts par les fabricants :Dans les débits de tabac, pour assurer une meilleure promotion des produits du tabac (évoquée précédemment) via les publicités sur les lieux de vente et l’emplacement des produits dans les étals ;
  • Sur le salon professionnel Losangexpo, dédié aux buralistes : location des stands à des prix exorbitants, financement de la soirée organisée par la Confédération le samedi soir du salon Losangexpo par les fabricants. Ces soirées ont lieu au Lido, Moulin Rouge, etc. En général, 500 à 600 personnes y participent pour un coût par personne de 150 à 200 Euros.

 

 

Selon des documents internes de la Confédération des buralistes, la puissance financière de la fédération des débitants de tabac est estimée à 80 millions d’euros.

La même rhétorique que les fabricants de tabac : nier l’efficacité des mesures de santé publique, insister sur le marché parallèle et proposer des mesures sans effet sur la consommation

Les positions de la Confédération des buralistes rejoignent celles des fabricants, tout d’abord car les éléments de discours sont conçus par ces derniers.
Ainsi, on pouvait lire dans un article du magazine M Le Monde : « Le directeur des relations institutionnelles de British American Tobacco (BAT) fournit en argumentaires les syndicats de buralistes qui courent les plateaux de télévision aussi bien que les députés et les ministres« .
Par ailleurs, ceci n’a rien d’étonnant dans la mesure où ils ont recours aux mêmes agences de lobbying.  

Ainsi, les discours des représentants de la Confédération pour éviter toute réglementation et pour gagner du temps demeurent : nier l’efficacité des mesures de santé publique (mesures de fiscalité, interdiction de fumer, avertissements sanitaires etc.), insister sur « l’explosion » du marché parallèle, et proposer des mesures sans effet sur la consommation (mesures réduites à des campagnes de prévention, ou encore proposition d’un « espace prévention » au sein des débits avec ventes de substituts nicotiniques), etc. 

Cette récurrence du thème du marché parallèle est primordiale pour la Confédération car elle vise à :

  • D’une part, empêcher toute réflexion autour de la lutte contre le tabagisme et toute initiative de santé publique ;
  • Et d’autre part, cela lui permet de justifier le maintien des aides publiques dont elle bénéficie.

La Confédération des Buralistes cherche systématiquement à s’imposer dans le débat de la lutte contre le tabagisme comme un interlocuteur de valeur. Elle souhaite ainsi être partie prenante dans la définition des politiques, en veillant bien à ce que les mesures ne soient pas contraignantes pour ses politiques commerciales et marketing. 

« L’industrie fournit les chiffres mais aussi les mots » 

Les mêmes méthodes de lobby que les cigarettiers   

A titre d’illustrations :

  • Multiplications des rencontres en face-à-face ;
  • Mobilisation d’alliés parmi des responsables politiques;
  • Organisation d’évènements où sont conviés différents acteurs de la profession mais également en présence de responsables politiques et fonctionnaires, constituant un « mélange des genres » contraire au traité de l’OMS ;
  • Travail de l’image du réseau au travers d’actions « socialement responsables » pour montrer notamment que les actions de ses membres s’inscrivent dans des démarches de santé publique et de solidarité ; et faire oublier les pratiques illégales (vente à des mineurs de 10, 11 ans, publicité en direction des jeunes), ou encore le fait même de vendre un produit mortel ;
  • Désinformation des médias et du grand public : le cas du site Le Monde du tabac ;
  • Présentation ridicule des opposants (associations, etc.) ;
  • Etc.
Extrait de Cash Investigation « Tabac, la grande manipulation » du 7 novembre 2014 – Interview

 

Journaliste : « Est-ce que le lobby des buralistes, c’est d’une certaine façon, le lobby du tabac ? »

Lobbyiste de l’industrie du tabac : « En tout cas, les buralistes disent que non. La réalité : c’est clairement le lobby du tabac. C’est le faux nez de l’industrie du tabac. »

 

Autre extrait :  

Où l’on apprend que Philip Morris menait des « opérations secrètes, en sous main » pour s’opposer à la mesure : organisation de manifestations de buralistes entre septembre 2012 et janvier 2013. « En coulisses, les lobbyistes de Philip Morris ont pensé à tout : slogans, tee-shirts, banderoles, et même la fermeture de bureaux de tabac. La manifestation bénéficiera de soutiens politiques, ceux entre autres de Jean-Pierre Audy et Brice Hortefeux.. ».