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Les invitations à des évènements

Les invitations à des évènements

Ces moyens d’influence classiques sont particulièrement utilisées par les fabricants de tabac en raison des moyens financiers majeurs dont ils disposent. Il s’agit en l’espèce de cadeaux, invitations à des événements à caractère festif, susceptibles de nouer des liens personnels, voire amicaux.

 

Les « programmes d’hospitalité »

Parmi les moyens auxquels ont recours les cigarettiers pour influer sur les politiques de santé publique, figurent ce qu’ils appellent des « programmes d’hospitalité » à l’attention des responsables politiques, administratifs, journalistes et plus globalement personnalités « leaders ». L’ensemble des fabricants y ont recours dans l’optique de favoriser les échanges tout particulièrement avec les élus, les collaborateurs d’élus, les membres de cabinets ministériels et les fonctionnaires mais aussi des leaders d’opinion comme peuvent l’être les journalistes ainsi que des responsables économiques importants.

  • Loges au Stade de France

Les fabricants Philip Morris International et British American Tobacco y louent à l’année des loges. Le coût annuel de location est estimé à 170 000 € pour 22 manifestations, soit 650 € par personne. Japan Tobacco International, qui ne dispose pas d’une loge à l’année, achète régulièrement des places VIP en « Siège Premier ». Le coût de la place est de 500 € en moyenne.

  • Loges à Roland-Garros

Philip Morris International (PMI), British American Tobacco (BAT) et Japan Tobacco International (JTI) louent à l’année des loges à Roland-Garros. Une loge de 4 places pour BAT, une loge de 8 places pour JTI, et un salon privatif pour PMI. Coût moyen de la place : 1200 €.
Le 2 juin 2013, le journal « Le Journal du Dimanche » abordait notamment la location par les dirigeants de British American Tobacco d’une loge (pour plus de 50 000 €) à Roland Garros où étaient conviés le numéro deux des Douanes, Henri Havard, ainsi que plusieurs membres de cabinet des ministres de l’Économie, Pierre Moscovici, et de l’Intérieur, Manuel Valls.

Constat du CNCT

Un constat du CNCT, intervenu pendant les internationaux de Roland Garros de 2013, fait état d’un soutien de plusieurs fabricants de tabac à la Fédération Française de Tennis (FFT) à l’occasion de cet événement.

L’association s’est rendue sur place et a pu relever qu’il « existait bien des relations contractuelles entre la FFT et les sociétés Philip Morris d’une part, et British American Tobacco d’autre part ». Elle a également noté l’existence d’une tente louée dans le Village à la société Davidoff.

L’association a pu obtenir les contrats passés entre la FFT et les divers fabricants de tabac, et a constaté que la FFT a fourni aux sociétés Davidoff, Philip Morris France et BAT France, des espaces de relations publiques leur permettant de faire de la propagande en faveur du tabac, en contrepartie de versements dont le total s’élève à 1 099 173 € HT.

Ces opérations constituent une forme de propagande en faveur du tabac et de parrainage illicites d’une compétition sportive par des fabricants de tabac.
Il s’agit de pratiques qui vont donc clairement à l’encontre des dispositions du traité dans le domaine de la non ingérence de l’industrie du tabac au travers de cadeaux réalisés en direction de décideurs et de leaders d’opinion influents, mais également au regard des dispositions d’interdiction de toute forme de publicité, promotion et parrainage en faveur du tabac.

  • Soirées Cinéma

Japan Tobacco International organise plusieurs fois par an des « soirées cinéma ». Le coût moyen de la place est de 150 €.
A titre d’exemple, une invitation à l’avant-première du film de Woody Allen « Midnight in Paris » était envoyée en mai 2011 par le Président, Daniel Sciamma, et Denis Fichot, le Directeur des Relations Extérieures, aux membres de Cabinets du Gouvernement, notamment du Ministère de la Santé.

  • Parc des Princes

British American Tobacco possède quatre abonnements au Parc des Princes, en Tribune D Rouge, tribune la plus chère. Le coût unitaire annuel de l’abonnement est de 2300 €.

  • Rencontres avec des collaborateurs d’élus

Seita-Imperial Tobacco invite régulièrement les collaborateurs d’élus, notamment les assistants parlementaires. Le coût moyen est de 50€ à 100€ par personne. Ce point est développé dans la suite du rapport.

Toutes ces pratiques qui s’apparentent à des cadeaux offerts aux élus sont totalement contraires au traité de l’OMS que la France a ratifié. Par ailleurs, les coûts de ces initiatives pour la majorité dépassent très largement les seuils fixés par le code de déontologie.

À cela s’ajoute toutes les manifestations festives conçues dans le cadre de clubs d’affinités (le club des Parlementaires Amateurs de Havanes) et de réflexion (le cas du Networking Business Club).

 

Le Club des Parlementaires Amateurs de Havanes

Les clubs d’affinités représentent une source de conflits d’intérêts. Le Club des Parlementaires amateurs de havanes en constitue une parfaite illustration.

Créé en 1994 par André Santini (UDF), ce club compte des parlementaires de tous bords : en font notamment partie Odile Saugues (Parti socialiste), Patrick Balkany (UMP), François Sauvadet (Nouveau Centre), Renaud Muselier (UMP), Jean-Vincent Placé (Europe Ecologie Les Verts), Dominique Paillé (UMP), Jean-Louis Debré (UMP), Dominique Bussereau (UMP), Julien Dray (PS), Pascal Clément (UMP), Pierre Mazeaud (UMP) etc., ainsi que des conseillers ministériels, des chefs d’entreprise, ou encore des journalistes etc.

Depuis 2001, British American Tobacco (BAT) est le partenaire du Club des Parlementaires amateurs de Havane (CPAH).

En 2006, au moment même où la mesure d’interdiction de fumer était en discussion, British American Tobacco organisait un dîner dans le salon de la Présidence du Senat, sur invitation de Christian Poncelet, sur papier à en-tête de British American Tobacco France. Dans cette perspective, il n’est pas étonnant de constater qu’aujourd’hui encore certains parlementaires membres du club continuent à combattre l’interdiction de fumer dans les lieux publics voire à violer la disposition en fumant dans ces bâtiments.

D’après un document interne du fabricant, British American Tobacco finance au moins un déjeuner par an qui rassemble entre 100 et 120 personnes. Le coût de la place est estimé à 120 € en moyenne.

Le dernier déjeuner organisé par British American Tobacco a eu lieu le 29 mai 2013, dans le restaurant Chez Françoise, à deux pas de l’Assemblée Nationale. Une cinquantaine de personnes ont répondu présents à l’invitation du cigarettier : des anciens ministres, des députés, un haut fonctionnaire de Bercy, et plus particulièrement de l’administration des Douanes, en charge entre autres de la fixation des prix du tabac, mais également des industriels, avocats, etc.

Deux jours avant la Journée Mondiale Sans Tabac et au moment où la directive européenne sur les produits du tabac était discutée au niveau des Etats membres, ce déjeuner contrevenait, à plusieurs titres, à la Convention Cadre de l’OMS : 

  • En premier lieu, l’existence de relations qui n’ont rien de nécessaire et ce, sans aucune transparence ;
  • En second lieu, la violation de toute forme de publicité, promotion et parrainage en faveur du tabac, prohibée par la loi Evin.  

L’organisation de ce déjeuner correspondait aussi à une période où BAT était visé par le ministère du Budget à propos de pratiques d’évasion fiscale. L’optique de rencontrer des responsables des Douanes n’était ainsi pas anodin.

Ce déjeuner a été particulièrement médiatisé en raison de la présence de journalistes alertés qui ont révélé les conflits d’intérêts majeurs qu’il comporte et, en corollaire, des risques de corruption de nos élus.

 

Le Club des Parlementaires Amateurs de Havanes – le discours de la Présidente de BAT tenu secret

 

Le discours de la présidente de British American Tobacco France, Soraya Zoueihid, lors du déjeuner du 29 mai 2013, est présenté dans la note suivante. Elle démontre parfaitement la démarche du fabricant à travers ce type d’initiative : celle de servir les intérêts politiques de l’industrie en décourageant l’adoption de législations anti-tabac efficaces.
Le moment était crucial : les discussions autour de la révision de la Directive tabac avaient lieu à ce moment même au Parlement européen et au niveau des Etats membres, autour de mesures de santé publique fortes : mise en place du paquet neutre, interdiction des arômes, interdiction des cigarettes fines, etc.

Déjeuner du CPAH – 29 mai 2013, Discours de Soraya Zoueihid

Monsieur le Président, cher André Santini,

Messieurs les ministres,

Mesdames et messieurs les parlementaires,

Chers amis,

Je suis très heureuse de me retrouver de nouveau avec vous à l’occasion de ce déjeuner de notre club des amateurs de Havanes.

British American Tobacco a toujours beaucoup de plaisir à accompagner ces rencontres conviviales autour d’une passion partagée.

Mon propos sera très bref mais je ne résiste pas au plaisir de commencer par cette phrase issue du projet de directive européenne sur les produits du tabac qui est actuellement en discussion : il est indiqué – je cite – que « les cigares sont exemptés de certaines mesures d’interdiction dans la mesure où ces produits sont principalement consommés par des individus plus âgés ».

Je ne suis pas du tout d’accord avec cette directive : je vous trouve tous très jeunes et très en forme.

Chers amis, au-delà de la boutade, permettez-moi de vous dire deux mots de l’ensemble des réglementations qui sont en préparation à Bruxelles ou à Paris et qui assombrissent considérablement l’avenir de nos entreprises.

Nous savons qu’il est nécessaire d’agir pour la santé et particulièrement des jeunes et nous ne nions pas la dangerosité de nos produits : nous comprenons donc que notre marché soit le plus réglementé.

Mais nous pensons qu’il faut que chaque nouvelle réglementation soit équilibrée et cohérente avec cet objectif de santé publique. Or le paquet générique ou quasi générique, la suppression des ingrédients et des arômes comme le menthol, l’interdiction des formats comme les cigarettes fines ne sont pas des mesures pertinentes.

Aucune étude ni même sondage auprès des citoyens européens ne viennent corroborer la relation entre ces mesures et le choix d’arrêter de fumer.

La prévention et l’éducation sont de loin les mesures les plus efficaces et elles sont curieusement absentes de la directive européenne.

L’harmonisation des prix en Europe n’est pas non plus un objectif recherché par le texte.

Pourtant aujourd’hui, près d’une cigarette sur 4 consommée en France est achetée en dehors du réseau de nos buralistes : soit dans les pays frontaliers, soit, ce qui est encore plus inquiétant, dans le marché illégal : contrebande et contrefaçon.

Vous le voyez, les deux années qui viennent, avec la directive et le plan de santé en préparation, vont être déterminantes pour nous. Les mesures efficaces ne doivent pas être écartées au profit de mesures plus médiatiques mais inopérantes.

Mais passons aux choses sérieuses, je cède la parole au Président André SANTINI en vous souhaitant à tous un très bon déjeuner et une bonne dégustation des Havanes que nous vous proposons aujourd’hui.

Par ailleurs, après la dégustation en fin de déjeuner des Rhums Clément de notre ami Dominique de la GUIGNERAYE que je remercie une nouvelle fois de nous accompagner pour cet évènement, je vous proposerais de tous repartir avec un Cigare Dunhill : c’est une légère entorse à votre passion du Havane. Rassurez-vous il n’est pas électronique mais fabriqué au Honduras.

Crédit photo : lesechos.fr

 

Officiellement, de quoi s’agit-il ?

Le Networking Business Club se présente comme un « club de réflexion » et constitue une illustration classique de l’ingérence des cigarettiers dans le processus législatif.

Ce club, dont l’objectif proposé aux membres est de « faire connaissance, développer l’échange, trouver des synergies et des opportunités d’affaires » constitue un parfait « mélange des genres ». Se côtoient en effet en son sein un nombre important de conseillers ministériels, d’assistants parlementaires et des lobbyistes de Seita-Impérial Tobacco – un des principaux partenaires du Club -, et tout cela sans aucune transparence.

En réalité, ce club est un outil de lobbying au service du cigarettier Imperial Tobacco.

Le Networking Business Club est, plus précisément, une émanation de l’agence de lobbying TL Conseil dont le dirigeant est Thomas Legrain.

Les missions « affichées » de la structure correspondent à celles d’une agence de lobbying classique : « Thomas Legrain Conseil conçoit et met en œuvre votre stratégie de lobbying et de communication d’influence pour vous aider à jouer un rôle actif dans l’élaboration de la décision publique ; (…) vous aide à anticiper les modifications législatives ou réglementaires, d’ordre politique, social, économique, financier ou écologique ; (…) vous accompagne dans la défense de vos intérêts; (…) mobilise des expertises et des outils variés autour d’un seul objectif : accroître votre influence. » (extrait site) .

La création du Networking Business Club par TL Conseil constitue un moyen efficace pour atteindre ces objectifs.

Entretien avec le dirigeant de TL Conseil, Thomas Legrain 

Une entrevue avec Thomas Legrain, dans le cadre des investigations du CNCT, permet de faire ce constat qu’à travers ce « club », TL Conseil vise cet objectif et qu’il parvient à l’atteindre efficacement.

Selon son dirigeant, le processus se déroule en trois grandes étapes :

  • Dans un premier temps, l’agence TL Conseil démarche les assistants parlementaires pour les inviter à venir découvrir ces échanges dînatoires où elle fait intervenir des personnalités politiques et des dirigeants d’entreprises, dont certains sont des amis proches de Thomas Legrain.

C’est l’étape dite « transparente » qui affiche un discours général de type libéral sur la « nécessité de faciliter les échanges entre politiques et entreprises ».

Lors de ces échanges, des lobbyistes d’Imperial Tobacco sont présents et les conversations portent notamment sur les opportunités de carrière des assistants parlementaires après la mandature de leur élu.

  • Dans un deuxième temps, au-delà des réunions « transparentes » qui continuent à être organisées, un autre type de réunion est fixé spécialement pour les assistants parlementaires qui montrent le plus d’intérêt pour le discours des lobbyistes cigarettiers. L’agence TL Conseil est chargée de les organiser et y participe. À ce stade, les échanges ont pour objectif de briefer les assistants parlementaires sur des opérations à mener au sein de l’Assemblée nationale et du Sénat, tout particulièrement en vue de batailles d’amendements.
  • Dans un troisième temps, ou troisième niveau, des réunions sont organisées entre les lobbyistes cigarettiers et certains des assistants parlementaires qui souhaitent travailler encore plus étroitement avec eux. A ce niveau, TL Conseil ne participe plus aux réunions. Il s’agit alors de relations entre le fabricant et des assistants parlementaires, complètement privées et rémunérées par le fabricant de tabac.

Thomas Legrain a affirmé qu’aux deux premiers niveaux où il intervient, son agence ne rémunère aucun assistant parlementaire. En revanche, une prise en charge par les cigarettiers des frais des assistants les plus investis était d’ores et déjà mentionnée. Par ailleurs, il ne cachait pas que son agence inclut le recours rémunéré aux politiques qui veulent exploiter leurs relations « quand leur savoir-faire et leur carnet d’adresses sont intéressants ».

En outre, il a reconnu que les assistants parlementaires, dès le stade de l’étape « transparente » laissent « apparaître les signes du désir de faire fructifier professionnellement leur démarche » dixit.

Des assistants parlementaires ont été contactés dans le cadre de nos investigations. Il est intéressant de noter qu’ils ont fait état d’une gêne manifeste, notamment sous la forme d’un déni systématique de participation aux échanges de Networking & Business Club. Quand il a été mentionné que leur nom figurait sur la liste des membres du « club », l’argument qui revenait le plus souvent était : « Mon nom ne devrait pas y figurer, je n’ai jamais donné mon autorisation pour cela. J’y suis allé juste par curiosité. » Quand ces assistants parlementaires ont été contactés au téléphone à ce sujet, leur émotion était généralement très vive et lorsqu’il a été souligné qu’ils s’étaient rendus plusieurs fois à ces déjeuners ou qu’ils auraient pu demander qu’on retire leur nom, leur embarras était à son comble.

Début 2015, le Networking Business Club change de nom pour devenir le « Club de l’Audace ».

Droit de réponse de TL Conseil 

« Suite à l’article publié sur le site Internet du CNCT intitulé « Le Networking Business Club : un « club de réflexion » pour servir les intérêts de l’industrie du tabac », la société Thomas Legrain Conseil, le club qu’elle gère (le Networking Business Club), ainsi que Thomas Legrain, gérant de ladite société, tiennent à préciser les points suivants dans le cadre du droit de réponse dont ils bénéficient :

Thomas Legrain Conseil exerce son activité depuis des années, avec le plus grand professionnalisme et dans le respect à la fois de la Loi et des valeurs d’éthique qui s’imposent. Le Networking Business Club existe depuis 11 ans et réunit chaque mois des membres aux profils extrêmement divers, avec le soutien de plusieurs partenaires.

Monsieur Thomas Legrain, la société qu’il administre et le club de réflexion qu’il anime ont toujours été et demeurent indépendants de toute structure tierce.

Les intervenants et les thématiques abordées sont liés à des sujets d’actualité.

En aucun cas les rencontres du club n’ont pour objet de défendre les intérêts particuliers d’une quelconque industrie ».

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